La pomme est le fruit préféré des Européens. Sa production intensive repose sur l’usage massif de pesticides chimiques, portant gravement atteinte à l’environnement et à la santé.
Pourtant, comme le démontre ce rapport, des alternatives crédibles fondées sur l’agroécologie permettent de produire des pommes en se passant des pesticides de synthèse.
Nous dresserons d’abord un état des lieux alarmant de la contamination chimique des vergers conventionnels, avant d’explorer les promesses de l’agriculture biologique pour une production fruitière saine et durable. Les solutions existent pour sortir de la dépendance mortifère aux pesticides, à nous de les déployer !
Etat des lieux de la contamination des vergers par les pesticides chimiques
Méthodologie de l’étude du rapport Greenpeace
Une étude menée par Greenpeace en 2015 avait pour objectif d’évaluer l’utilisation des pesticides dans des vergers de pommes européens. Entre avril et mai 2015, des échantillons de sols et d’eau ont été prélevés dans 12 pays (Allemagne, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Chypre, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Pologne, Serbie, Slovaquie, Suisse).
Au total, 85 échantillons ont été analysés (42 échantillons de sols et 43 échantillons d’eau), selon des protocoles scientifiques standardisés. Les concentrations en résidus de 53 pesticides couramment appliqués dans les vergers de pommes ont été mesurées. L’étude visait à donner un aperçu de la contamination des vergers au début de la floraison.
Résultats de l’étude Greenpeace sur la contamination des vergers
Les tests ont révélé la présence de pesticides dans 78% des échantillons de sols et 72% des échantillons d’eau. Entre 1 et 10 substances actives différentes ont été détectées par échantillon, avec des concentrations allant de quelques μg/l à plusieurs mg/kg.
Les résidus retrouvés dans les sols
Dans les sols, les pesticides les plus fréquemment détectés sont :
- Le boscalid (fongicide) : dans 38% des échantillons, à des taux atteignant 3,6 mg/kg.
- Le DDT (insecticide organochloré) : dans 26% des échantillons, malgré son interdiction.
- Le chlorpyriphos-éthyl (insecticide) : à des concentrations maximales de 0,26 mg/kg.
Les résidus retrouvés dans les eaux
Concernant les eaux superficielles, les substances les plus souvent trouvées sont :
- Le boscalid : dans 40% des échantillons, à des taux de 23 μg/l.
- Le chlorantraniliprole (insecticide) : dans 40% des cas, à des doses de 2 μg/l.
Des cocktails de résidus multicontaminants
Le nombre maximal de résidus a été relevé en Italie (jusqu’à 18 pesticides différents par échantillon de sol), en Belgique et en France. Dans les eaux, la Pologne arrivait en tête, suivie de la Slovaquie et de l’Italie.
Ces résultats révèlent sans conteste l’usage massif et varié de pesticides chimiques dans les vergers européens. Ils mettent en évidence la diffusion de ces substances actives et de leurs métabolites dans tous les compartiments de l’environnement, entraînant une multicontamination des écosystèmes.
Toxicité avérée des résidus pour l’environnement et la santé
Parmi la cinquantaine de pesticides détectés dans cette étude, l’immense majorité présente des profils toxicologiques et écotoxicologiques préoccupants :
- 70% des pesticides analysés sont classés comme très toxiques pour l’homme et les organismes non-cibles.
- 8 pesticides retrouvés sont hautement toxiques pour le milieu aquatique.
- 1 pesticide est très toxique pour les vers de terre.
- 8 pesticides sont très toxiques pour les abeilles domestiques et sauvages.
En outre, 20 des substances identifiées sont également très persistantes dans l’environnement. 7 pesticides détectés sont désormais interdits dans l’Union Européenne. Enfin, certains échantillons dépassaient les normes maximales autorisées.
Ces résultats confirment la toxicité intrinsèque des produits chimiques épandus de façon intensive dans les vergers conventionnels et leur caractère polluant pour les écosystèmes.
Une situation alarmante appelant des changements radicaux
Cette étude met en exergue l’extrême dépendance de la production européenne de pommes vis-à-vis de cocktails de pesticides chimiques aux effets dévastateurs. La contamination généralisée des sols et des eaux souligne l’urgence d’une transition vers un modèle agricole et alimentaire sain, libéré de cette addiction aux produits phytosanitaires de synthèse.
Des solutions alternatives fondées sur les principes de l’agroécologie existent déjà. Elles doivent être promues à grande échelle pour enrayer la chimisation mortifère de notre agriculture. Examinons à présent les promesses de l’agriculture biologique pour cultiver des pommes saines et savoureuses sans ruiner l’environnement.
Les solutions concrètes de l’agriculture biologique pour une production fruitière durable
Face aux impacts néfastes des pesticides de synthèse, l’agriculture biologique fait aujourd’hui la preuve qu’une production abondante et de qualité est possible sans recourir à cette chimie toxique, en s’appuyant sur les potentiels du vivant.
Renforcer la résilience des vergers par l’agroécologie
L’approche agroécologique vise à créer des agrosystèmes résilients, capables de prévenir l’apparition des bioagresseurs et de s’autoréguler. Pour y parvenir, diverses techniques culturales sont mises en œuvre.
Favoriser la biodiversité fonctionnelle
La diversité des cultures et des infrastructures écologiques est favorable à l’équilibre biologique du verger :
- Implanter des haies, bandes fleuries, arbres pour abriter les auxiliaires.
- Pratiquer la polyculture, l’agroforesterie, pour plus de biodiversité.
- Veiller à la vie du sol par l’apport de composts et le travail superficiel.
Sélectionner des variétés rustiques adaptées
Plutôt que des monocultures intensives, privilégier :
– Des variétés fruitières anciennes, locales, mieux armées contre les bioagresseurs.
– De nouvelles obtentions résistantes issues de la sélection biologique.
Raisonner la fertilisation
– Apports de fumiers, composts, engrais verts pour nourrir les sols sans excès.
– Eviter une vigueur excessive des arbres, propice aux ravageurs.
Prévention et lutte biologique contre les parasites
L’agriculture biologique dispose d’un panel de méthodes efficaces pour prévenir et contrôler l’apparition des parasites, en alternative aux pesticides chimiques.
Mesures prophylactiques
Il s’agit d’intervenir précocement pour empêcher le développement des bioagresseurs :
– Éliminer manuellement les premiers foyers infectieux.
– Supprimer fruits tombés et organes contaminés qui constituent des inoculum.
– Protéger les plaies de taille avec des produits naturels autorisés.
Piégeage et confusion sexuelle des insectes
Ces techniques visent à rompre le cycle de reproduction des ravageurs :
– Pièges englués ou attractifs pour capturer les papillons adultes.
– Diffuseurs de phéromones pour perturber l’accouplement.
Agents microbiologiques de lutte biologique
Certains micro-organismes pathogènes des insectes sont utilisés pour lutter contre les parasites :
– Bacillus thuringiensis (Bt) contre les larves de lépidoptères.
– Virus, champignons et nématodes entomopathogènes ciblant pucerons, mouches…
Substances naturelles autorisées
Quelques produits d’origine végétale ou minérale sont utilisables en cas de nécessité :
– Huiles essentielles d’agrumes contre les pucerons.
– Extraits de prêle, d’ortie, pour stimuler les défenses naturelles.
– Cuivre et soufre contre tavelure et oïdium, en traitements limités.
L’efficacité prouvée de l’arboriculture biologique
Ces différentes méthodes alternatives font leurs preuves dans les vergers bio. Le témoignage d’un producteur belge converti depuis 30 ans l’illustre concrètement. Ses vergers prospèrent sans pesticides chimiques grâce à une approche écosystémique globale qui a renforcé leur résilience.
Le recours ciblé et limité à quelques solutions naturelles autorisées en bio comble les manques occasionnels de protection. La fertilité des sols, la biodiversité fonctionnelle, le choix de variétés rustiques et la prophylaxie diminuent drastiquement le besoin en traitements curatifs.
Cet exemple démontre la faisabilité d’une production de pommes biologiques abondante et de qualité, sans contamination des eaux et des sols. De plus, cette approche agricole vertueuse répond aux attentes des consommateurs, de plus en plus exigeants sur le caractère sain et durable de leur alimentation.
Conclusion
Cet examen objectif de la situation alarmante des vergers conventionnels et des alternatives crédibles offertes par l’agroécologie plaide pour un soutien décisif à la transition bio. Les solutions concrètes pour cultiver des pommes saines sans pesticides existent et font leurs preuves.
Elles allient science agronomique de pointe et approche holistique, en résonance avec les grands équilibres du vivant. Leur généralisation nécessite un changement en profondeur des mentalités et des politiques agricoles. Relevons ensemble ce défi pour garantir à tous une alimentation saine et durable !