Les pesticides sont des substances chimiques utilisées massivement en agriculture conventionnelle depuis plusieurs décennies pour lutter contre les organismes jugés nuisibles aux cultures (insectes, champignons, mauvaises herbes, etc). Bien que permettant d’améliorer les rendements agricoles, leur usage intensif a des conséquences néfastes sur l’environnement et la santé. En effet, une grande partie des pesticides épandus sur les champs se retrouvent dans nos assiettes sous forme de résidus, même après lavage des aliments.
De nombreuses études montrent que notre alimentation courante est contaminée par un cocktail de ces molécules. L’étude de l’alimentation totale française 2 (EAT2) a ainsi mis en évidence la présence de plusieurs centaines de résidus de pesticides dans les fruits, légumes, céréales et autres aliments analysés.
Cette exposition chronique, dès le plus jeune âge, à de faibles doses de résidus de pesticides n’est pas sans conséquence sur notre santé. Des effets sanitaires préoccupants sont suspectés : troubles neurologiques, respiratoires, reproducteurs, cancers… Les enfants et les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables.
Face à ce constat alarmant, il est urgent d’opérer une transition vers un modèle agricole et alimentaire plus sain et durable. L’agriculture biologique, qui bannit l’usage des pesticides de synthèse, apparaît comme une alternative crédible pour réduire significativement notre exposition alimentaire à ces substances toxiques.
Dans cet article, je dresserai tout d’abord un état des lieux de la contamination de notre alimentation par les résidus de pesticides. Puis, j’exposerai les risques sanitaires associés, en particulier pour les populations sensibles. Enfin, je présenterai les atouts de l’agriculture biologique pour sortir de ce modèle intoxiquant notre santé et notre environnement.
I. Une alimentation contaminée par les résidus de pesticides
On appelle pesticides l’ensemble des substances chimiques utilisées en agriculture conventionnelle pour lutter contre les organismes jugés nuisibles aux cultures. Il en existe une grande variété : herbicides, fongicides, insecticides, nématicides, etc. Leur utilisation s’est généralisée après la Seconde Guerre Mondiale, dans un objectif productiviste visant à maximiser les rendements agricoles. Aujourd’hui, plus de 500 molécules pesticides sont autorisées en France.
Ces produits sont majoritairement appliqués directement sur les cultures, par pulvérisation. Une partie est dite systémique, c’est-à-dire absorbée par la plante et diffusée dans tous ses tissus (feuilles, tiges, racines, fruits). Ainsi, les pesticides se retrouvent à l’intérieur même des produits végétaux que nous consommons !
Les mécanismes de contamination de notre alimentation sont multiples :
- Traitements directs des cultures : une partie des pesticides pulvérisés sur les champs contaminent les fruits, légumes et céréales récoltés.
- Bioaccumulation : certains pesticides systémiques, très persistants, s’accumulent dans les tissus des plantes et animaux. Ils se concentrent ainsi tout au long de la chaîne alimentaire.
- Pollution diffuse de l’environnement : une partie des pesticides épandus migrent dans les sols, l’eau et l’air, contaminant l’ensemble des écosystèmes. Même l’agriculture biologique n’y échappe pas complètement.
Ainsi, malgré le lavage des produits, il reste des résidus de pesticides dans une grande partie de notre alimentation. L’étude de l’alimentation totale française 2 (EAT2), publiée en 2011, a analysé 212 types d’aliments courants, représentant 90% de notre consommation. Résultat : la majorité des fruits (75%), légumes (45%), céréales (33%) et oléagineux (45%) contenaient des résidus quantifiables de 2 pesticides ou plus (Anses, 2011).
Au total, ce ne sont pas moins de 621 molécules différentes qui ont été retrouvées dans notre assiette, avec en moyenne 5 à 6 résidus par échantillon. Certains aliments rassemblent un véritable cocktail de pesticides : jus de raisin (19 molécules), cerises (15), fraises (14)…
Parmi les molécules les plus fréquemment détectées, on peut citer le chlorpyrifos (insecticide), le glyphosate (herbicide), le boscalid (fongicide), ou encore le diflufenican et le diméthoate (insecticides).
Les enfants sont particulièrement exposés du fait de leur consommation élevée de fruits et légumes par rapport à leur poids corporel. Dans l’étude Esteban 2014-2016, 97,8% des urines d’enfants de 6 à 11 ans contenaient au moins un résidu de pesticide (Chevrier et al., 2018).
Au vu de ces résultats, force est de constater que notre alimentation courante est largement contaminée par les pesticides. Difficile d’y échapper, même en diversifiant notre alimentation, tant la pollution par ces substances est diffuse et généralisée.
II. Des effets sanitaires préoccupants
Cette exposition chronique aux résidus de pesticides, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie, n’est pas sans conséquence sur notre santé.
De nombreuses études scientifiques suggèrent des effets sanitaires préoccupants, à plus ou moins long terme. Bien que les mécanismes d’action ne soient pas totalement élucidés, le lien est souvent établi entre exposition aux pesticides et diverses pathologies.
Tout d’abord, certains pesticides sont reconnus comme cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction. C’est notamment le cas du glyphosate, herbicide le plus utilisé au monde, classé cancérogène probable par le CIRC depuis 2015. D’autres molécules très répandues sont également pointées du doigt, comme le folpel (fongicide) ou le malathion (insecticide).
Mais au-delà des cas avérés, c’est bien l’exposition à long-terme et à faibles doses à des cocktails de ces substances qui pose question. Une telle exposition serait susceptible de provoquer ou favoriser de nombreuses pathologies, telles que :
- Troubles neurologiques : maladies neurodégénératives (Parkinson, Alzheimer), troubles cognitifs, autisme…
- Troubles respiratoires : asthme, allergies…
- Troubles de la reproduction : infertilité, malformations congénitales…
- Troubles endocriniens et métaboliques : diabète, obésité, puberté précoce…
- Cancers : cerveau, prostate, sang…
Les enfants et les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables aux effets des pesticides. Le développement du fœtus et du nourrisson est une période critique, où l’exposition à ces substances peut avoir des conséquences irréversibles.
Ainsi, plusieurs études mettent en évidence des liens entre exposition prénatale aux pesticides et survenue de leucémies, tumeurs cérébrales ou autisme chez l’enfant. De même, cette exposition est souvent associée à des retards psychomoteurs, troubles des apprentissages, puberté précoce, obésité infantile…
Chez l’adulte, les agriculteurs, très exposés aux pesticides, présentent un excès de risque de développer certaines pathologies graves : maladies neurodégénératives comme Parkinson, cancers de la prostate, lymphomes…
Bien que tous les mécanismes d’action ne soient pas élucidés, le lien entre usage des pesticides et effets sanitaires semble donc bel et bien établi. Face aux signaux d’alertes lancés par la communauté scientifique, le principe de précaution doit prévaloir pour protéger la santé des citoyens.
III. L’agriculture biologique, pour sortir du modèle intoxiqué
Au vu des impacts négatifs sur notre santé, il apparaît urgent de réduire drastiquement l’usage des pesticides en agriculture conventionnelle et notre exposition alimentaire à ces substances.
L’agriculture biologique, en bannissant l’usage des pesticides de synthèse, constitue une alternative crédible pour garantir une alimentation plus saine et durable. Bien qu’encore minoritaire, représentant 6% des surfaces agricoles en France, l’agriculture bio connaît une croissance à deux chiffres depuis 10 ans. De plus en plus de citoyens-consommateurs plébiscitent ce mode de production respectueux de l’environnement et de la santé.
Concrètement, quelles sont les spécificités de l’agriculture biologique ?
Tout d’abord, le cahier des charges de l’agriculture biologique interdit strictement l’usage des pesticides de synthèse chimique. Seuls quelques produits naturels sont autorisés en cas de besoin (cuivre, soufre, pyrèthre…).
L’agriculteur bio va avant tout miser sur la prévention, en concevant des systèmes de culture résistants aux bioagresseurs : rotation des cultures, engrais verts, diversité variétale, lutte biologique, gestion économe de l’eau…
Si malgré tout des ravageurs ou maladies persistent, des solutions naturelles sont privilégiées : pièges, filets anti-insectes, micro-organismes, phéromones…
Résultat : les résidus de pesticides sont quasi inexistants dans l’alimentation biologique. Ainsi, l’étude NutriNet-Santé a montré que les urines des gros consommateurs de bio (plus de 50% de leur alimentation) contenaient 72% moins de pesticides que les faibles consommateurs (Baudry et al., 2018).
Par ailleurs, de nombreuses études confirment les bénéfices nutritionnels et sanitaires des aliments biologiques : plus d’antioxydants, moins de résidus de métaux lourds, réduction des risques de cancers, d’allergies, d’obésité…
Outre le non-usage des pesticides, l’agriculture biologique repose plus largement sur des pratiques agroécologiques vertueuses : rotation des cultures, gestion économe de l’eau, maintien de la biodiversité… Elle apparaît ainsi comme une solution d’avenir pour réconcilier production alimentaire et préservation de l’environnement.
Transition : le défi de demain
La recherche scientifique a sonné l’alerte : il est urgent de réduire drastiquement l’usage des pesticides qui empoisonnent notre environnement et notre santé. L’agriculture biologique a déjà fait la preuve de sa capacité à nourrir les hommes de façon saine et durable.
Pour accélérer la transition, un engagement fort de tous les acteurs est nécessaire : pouvoirs publics, agriculteurs, industriels, distributeurs, consommateurs… Chacun à son niveau peut agir pour promouvoir une alimentation et une agriculture plus saines. Des aides à la conversion doivent accompagner les agriculteurs dans cette transition. Et les citoyens-consommateurs peuvent utiliser leur pouvoir d’achat pour soutenir l’agriculture biologique.
Sortir du modèle intoxiqué par les pesticides est un défi colossal mais à notre portée, à condition d’en faire une priorité de santé publique et environnementale dans les années à venir. Notre santé et celle des générations futures en dépendent.
Conclusion
L’usage massif des pesticides en agriculture conventionnelle a contaminé durablement notre environnement et notre alimentation. Malgré le lavage des aliments, de nombreux résidus se retrouvent dans notre assiette et sont susceptibles d’avoir des effets néfastes sur notre santé, en particulier chez les enfants.
Face à ce constat alarmant, il est urgent d’opérer une transition vers un modèle agricole et alimentaire qui se libère de sa dépendance aux pesticides. L’agriculture biologique, en bannissant ces substances toxiques et en misant sur l’agroécologie, propose une alternative crédible pour garantir une alimentation et un environnement sains pour tous.
Même si le chemin à parcourir est encore long, de plus en plus de citoyens prennent conscience des dangers des pesticides et font évoluer leurs modes de consommation. La transition est en marche : à nous de l’accélérer pour qu’elle devienne la norme !